La Résistance impose plus que d’autres phénomènes la mise en valeur des acteurs. Ses structures ont un caractère éphémère et fallacieux de par leur déconstruction permanente par la répression. Ses textes, échappant le plus souvent à la sanction de la réalité sociale, sont arbitraires. Les parcours singuliers permettent seuls d’aller au-delà des mythes, des tabous et autres constructions héroïques bâties autour de la clandestinité. La démarche suivie s’apparente donc à une biographie collective d’un être collectif, le Parti communiste.
Une très longue enquête orale a conduit José Gotovitch auprès de 300 clandestins de la guerre qui lui ont permis de saisir le vécu quotidien du Résistant.
La confrontation des acteurs avec les traces de leur propre trajectoire a débusqué les occultations de la mémoire, les silences, les "secrets de parti". L’action multiforme, de l’inscription à la craie à la rédaction d’un journal clandestin, de la récolte d’argent franc par franc à l’exécution d’un collaborateur, chaque geste porte ici un nom, a l’épaisseur historique de celui qui l’a posé.
Enfin, les archives du Comintern permettent d’aborder avec quelque précision le champ international.
Divers blocages ont freiné l’élaboration d’une histoire de la Résistance en Belgique, élément pourtant essentiel de la période d’occupation nazie. Un retard jamais comblé dans l’approche scientifique de la période, écartée pendant des années par le mépris porté envers l’histoire du temps présent, écrasée par le silence prolongé sur la question royale inséparable de l’étude de la guerre, mais aussi diabolisée par la place essentielle que joua le Parti communiste dans la construction de cette résistance.
Par ailleurs, l’histoire « héroïque » produite par la résistance elle-même ainsi que la gangue et les occultations dans lesquelles l’historiographie communiste officielle avait enfermé le récit de la période fermaient tout autant une approche décomplexée.
Le travail de José Gotovitch est le fruit d’un très long travail d’investigation, mené dans les archives enfin accessibles de l’Internationale communiste à Moscou, l’ouverture totale de celles du Parti communiste de Belgique, et d’une longue quête de témoignages et d’archives auprès de 300 acteurs de la période. Prenant appui sur le cas bruxellois, il dresse un tableau d’ensemble qui explicite et met en scène la politique et l’action des communistes en Belgique occupée, l’insérant aussi dans son contexte international.
Partant des textes – journaux clandestins, directives et rapports internes – nombreux mais insuffisants pour reproduire la réalité, Du Rouge au Tricolore part du terrain, des militants eux-mêmes, et remonte vers les structures et les principes pour en présenter l’action effective, les difficultés, les héroïsmes souvent muets, les drames et les joies, sans oublier jamais le terreau sur lequel a cheminé le refus de l’Ordre Nouveau, c’est-à-dire l’ordre nazi.
En chemin, il fait justice des versions stéréotypées, oscillant au gré des modes historiographiques et politiques, bâtissant son récit sur une approche scientifique, couronnée d’ailleurs par l’Université et l’Académie Royale de Belgique. A travers cette rigueur, percent cependant le courage, l’enthousiasme mais aussi les douleurs et déceptions de ce qui constitue une épopée du XXème siècle.
Cette nouvelle édition reprend, corrigée, celle parue en 1992, mais y précise et développe largement les 250 notices biographiques qui clôturent le volume.
L’auteur
Né en 1940, José Gotovitch est Docteur en Histoire de l’Université Libre de Bruxelles. Il y a enseigné l’histoire contemporaine de 1988 à 2005. Chercheur au Centre de recherches et d’études historiques de la Seconde Guerre mondiale (actuellement CEGES) depuis 1967, il en fut Directeur de 1989 à 2005. En 1971, il publie avec Jules Gérard Libois, L’an 40. La Belgique occupée, ouvrage qui marque le tournant décisif dans l’étude scientifique de la Seconde Guerre mondiale en Belgique. Il est l’auteur d’une centaine de contributions portant sur l’entre-deux-guerres, le mouvement flamand, la guerre civile en Espagne, la Résistance et la Déportation, le gouvernement de Londres, la Question royale, les Tsiganes, le Parti socialiste. Il est l’éditeur des Documents diplomatiques belges 1941-1944. Il a particulièrement étudié l’histoire du parti communiste en faisant œuvre pionnière d’investigation dans les archives de l’Internationale communiste à Moscou, dont il a contribué à ramener copie en Belgique. Il a créé et dirigé de 1989 à 2005 le Centre d’histoire et de sociologie du Communisme à l’Institut de sociologie de l’ULB. Il a été professeur invité à Paris X (Nanterre) et à Sciences Po.
Il fut l’un des premiers en Belgique à intégrer l’histoire orale dans sa pratique scientifique.
Il a été conseiller historique de nombreuses séries-phares de la RTBF, dont 1914-1918 (1967), les Télémémoires (1967-1968), Les dossiers de l’Après-guerre (1973), L’Ordre Nouveau (1984), La collaboration (1985-1986), La guerre civile d’Espagne (1986), Jours de Guerre (1990-1995).
Membre émérite de l’Académie Royale de Belgique, il est aujourd’hui Directeur scientifique du Centre des Archives du Communisme en Belgique (CArCoB).
Table des matières (pdf)
Un excellent article de Nicolas Naif dans Le Drapeau Rouge du mois de septembre 2018
"L’ouvrage monumental de José Gotovitch, Du rouge au tricolore, est déjà une vieille connaissance pour les amateurs d’histoire de Belgique et plus particulièrement du Parti communiste. En effet, ce livre a été édité pour la première fois en 1992 et demeure une pierre absolument fondamentale dans l’historiographie du communisme belge. Même 26 ans après, ce livre reste une référence inégalée pour la compréhension de cette période si particulière, si intense, si dramatique que fut la Seconde Guerre Mondiale." Nicolas Naif.
NAIF, Nicolas. "Du rouge au tricolore, la résistance dans l’histoire du communisme belge", Le Drapeau Rouge, septembre-octobre 2018, p.16-17.
Annie Kriegel (1926 – 1995), Historienne du communisme, Professeur de sociologie politique à Nanterre
(Paris, le 26 décembre 1988)
... Et nous n’avons rien de comparable dans la production historique française en ce qui concerne le sujet dont vous traitez et pour la période que vous retenez. Rien de comparable : l’ampleur des dépouillements exhaustifs et minutieux auxquels vous vous êtes astreints dans des fonds et archives très dispersés ; la rigueur, la probité, la délicatesse aussi avec lesquelles vous avez tenu à résoudre des points de fait très embrouillés et complexes ; la solidité et la finesse de vos éclairages, interprétations et conclusions – tout m’a été objet d’admiration, de réflexion, d’approbation…
Interview de José Gotovitch par Anne Morelli
- Auteur : José Gotovitch
- Editeur : Bruxelles : Éditions du CArCoB
- Date parution : 2018
- Nombre de pages : 740
- Prix : 24.00 (Frais de port non compris)
- Référence : 978-2-87188-013-4