La collection "Jean Fonteyne"
L’avocat Jean Fonteyne (1899-1974) a adhéré au PCB peu après la venue au pouvoir d’Hitler en Allemagne. Son engagement communiste, au départ d’un parcours de juriste humaniste, défenseur de la veuve et de l’orphelin, coïncide avec le changement de ligne du Komintern, lorsque l’organisation communiste internationale abandonne sa position « classe contre classe » pour une stratégie de fronts populaires.
Dès ce moment, Jean Fonteyne est sur de nombreux fronts. Comme avocat, membre du Secours rouge international, il prend la défense de militants révolutionnaires pourchassés en Belgique. Il participe au tournage de « Misère au Borinage » (Storck et Ivens), après avoir réalisé, en cinéaste amateur, le premier documentaire social filmé en Belgique : « La manifestation Tayenne ». Il crée le Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA), dont il assure le secrétariat. Il est co-fondateur de l’ARC, l’Association révolutionnaire culturelle. A l’automne 1939, alors que le PCF est interdit en France, il accueille clandestinement Maurice Thorez à Bruxelles. Au printemps 1940, il prend part à la défense juridique des 44 députés communistes français traduits en justice.
Dès l’entrée en guerre de la Belgique, Jean Fonteyne se met au service d’Eugène Fried, patron du Komintern pour l’« Europe latine », dont le QG a été secrètement transféré à Bruxelles. Il multiplie dès lors les missions délicates pour Fried : libération au bluff de militants internationalistes incarcérés dans le sud de la France ; financement de la base logistique du chef du Komintern. En juin 1941, Fonteyne entre en clandestinité. Il monte et coordonne le réseau « Justice Libre » du Front de l’Indépendance. Arrêté par la gestapo en mai 1943, il est transféré à Breendonck puis à Buchenwald.
En 1946, il est élu sénateur sur les listes communistes.
Suite à l’assassinat de Julien Lahaut, il sera l’avocat de la veuve du président du PCB et mènera en solo l’enquête sur les traces des assassins. Avec la guerre froide, l’appareil dirigeant communiste renoue avec une ligne très sectaire, en même temps que le parti enregistre une série de défaites électorales. En désaccord profond avec le secrétaire général Edgar Lalmand, Fonteyne ne sera plus proposé au comité central.
Début des années soixante, un schisme intervient au sein du PCB entre les « pro-Moscou » (majoritaires) et les « pro-Pékin » (minoritaires). Bien qu’en accord avec la politique de coexistence pacifique entamée par l’URSS, Jean Fonteyne désapprouve la manière brutale dont, selon lui, les dissidents sont traités. Début 1965, Jean Fonteyne est, pour ce fait, exclu du PC. Son dernier combat d’envergure sera la défense juridique du docteur Peers, victime d’interdit professionnel puis incarcéré en 1973.
La collection « Jean Fonteyne » contient de multiples documents (courriers personnels, journaux, témoignages, notes techniques, écrits politiques) éclairant le parcours exceptionnel de Jean Fonteyne, mais aussi, plus largement, des épisodes clés de l’histoire du PCB. Au CArCoB, les visiteurs pourront également consulter la version longue (1100 pages) de la biographie réalisée par Jean Lemaître (petit-fils de Fonteyne) : « C’est un joli nom camarade ! ».
Les archives "J. Posadas"
Le Collectif Archives de la IVe Internationale Posadiste a signé avec le CArCoB une convention de don et de dépôt d’une part importante de documents originaux de J. Posadas en langue espagnole, ainsi que des publications, en espagnol et en français, reprenant ses articles, ses cours et conférences adressés aux militants et cadres de la IVe Internationale Posadiste. La convention inclut également des publications du POR(T) – Parti Ouvrier Révolutionnaire Trotskyste, section belge de la IVe Internationale Posadiste, dont une collection quasi complète du journal Lutte Ouvrière (1962-2008).
J. Posadas est décédé en Italie en mai 1981. Il vécut en exil en Europe les dernières années de sa vie. Ses interventions étaient toujours orales et enregistrées, elles étaient ensuite retranscrites. Les documents rassemblés dans ces archives sont des interventions de J. Posadas lors de réunions, congrès, écoles de cadres, et conférences avec des militants commu-nistes, syndicalistes, socialistes, avec des mouvements révolution-naires de guérillas, des groupes d’intellectuels et d’artistes. J.Posadas n’était pas un « homme public » et a milité presque toute sa vie dans une semi-clandestinité.
J. Posadas est né en Argentine en 1912. Il est issu d’une famille d’ouvriers italiens émigrés, militants anarchistes. Il a commencé son activité militante comme organisateur syndical et adopta très vite les idées de Trotsky. En Argentine, il organise le GCI (Grupo IV Internacional) en 1947 et crée le journal Voz Proletaria. Il participe au mouvement péroniste ainsi qu’aux débuts du nationalisme révolutionnaire d’autres pays d’Amérique Latine. À partir de là, des sections trotskystes se développent et un Bureau latino-américain de la IVe Internationale se forme. J. Posadas participe également au Secrétariat international de l’organisation jusqu’en 1962.
La Quatrième Internationale Posadiste
Le POR(T), s’est constitué en Belgique en 1962, lorsque J. Posadas et le Bureau Latino-américain de la IVe Internationale ont rompu avec la direction internationale de l’époque afin, d’une part, de rester fidèles au programme et aux objectifs de l’organisation fondée par Trotsky en 1938 et, d’autre part, de participer pleinement à l’organisation des nouvelles forces de la révolution, telles qu’elles ont surgi après la IIème Guerre Mondiale.
Le principe de la révolution permanente, élaboré par Trotsky, s’est enrichi de la compréhension par J. Posadas, du nationalisme révolutionnaire, dès ses origines dans le péronisme, et ensuite dans toute l’Amérique Latine et dans les nombreux pays du monde qui se libéraient de l’oppression coloniale. L’apport essentiel de J. Posadas consistait à comprendre ces mouvements tels qu’ils se développaient, comme une partie de la révolution, dont le centre demeurait toujours l’Union Soviétique dont la défense inconditionnelle a toujours guidé sa pensée et son action. C’est sur cette base qu’il a élaboré le concept de la régénérescence partielle de l’Etat ouvrier, le concept de l’Etat révolutionnaire, de l’antagonisme historique entre le capitalisme et les Etats ouvriers, de l’inévitabilité de la guerre atomique. Dans le domaine de l’art, de la science, de la culture en général, J. Posadas a laissé beaucoup d’écrits qui enrichissent la conception marxiste des relations humaines.
Les textes qu’il a élaborés jusqu’aux derniers moments de sa vie restent d’une vive actualité. Ils sont une contribution à la compréhension du monde d’aujourd’hui, à l’organisation d’une nouvelle Internationale. Une partie de ces documents sont encore inédits.
Les archives "Madeleine Jacquemotte - Thonnart"
D’origine liégeoise, Madeleine Thonnart est née le 30 juin 1907. Issue d’une famille bourgeoise, protestante et libérale, elle est la soeur d’Elisabeth et de Suzanne Thonnart, également militantes communistes. Elle épousa en 1933 Adrien Jacquemotte, neveu de Joseph Jacquemotte. Licenciée en philologie germanique, elle enseigna à partir de 1929 au Lycée d’Ixelles dont elle devint par la suite préfète jusqu’en 1967, date de sa retraite. Le lycée prit par la suite son nom.
Madeleine Jacquemotte – Thonnart montra un engagement militant tout au long de sa vie. Elle milita à la Ligue internationale pour la paix et la liberté, puis à la Ligue des femmes contre la guerre impérialiste. Franc-maçonne, elle fit partie de l’ordre maçonnique Le Droit Humain. Elle participa également au Comité de Vigilance des Intellectuels Antifascistes et au Comité national des Amis de l’Union Soviétique. Sur le plan syndical elle fut membre de la section Enseignement et adhéra en 1933 à la Centrale générale du personnel enseignant socialiste. Elle entra en sous-marin au PCB en 1936, ayant eu des problèmes depuis 1933 avec les autorités communales d’Ixelles en raison de ses activités militantes. Elle fut notamment rappelée à l’ordre suite à son engagement en faveur de l’Espagne républicaine.
Résistante durant la Seconde guerre mondiale, elle fut responsable des enseignants communistes bruxellois. Elle participa aux manifestations de femmes, fit partie du Front de l’Indépendance dès 1941 et contribua au périodique Liberté. À partir de 1942 elle entra en clandestinité sous le pseudonyme d’Henriette. Durant cette période elle s’occupa tout d’abord du périodique Enseignement et puis fut appelée à la direction régionale de Solidarité. Arrêtée le 19 juillet 1943, elle fut incarcérée à la prison de Saint-Gilles, puis envoyée dans les prisons allemandes. Elle fut ensuite détenue au camp de Vught où elle retrouva sa soeur Elisabeth. Toutes deux furent déportées à Ravensbrück en septembre 1944. Madeleine fut rapatriée fin juin 1945.
Elle continua ses activités militantes après-guerre et durant la Guerre froide, mais cette fois-ci officiellement en tant que communiste. Poursuivant ses responsabilités syndicales, elle occupa le poste de secrétaire de la section Enseignement jusqu’à sa retraite.
Retraitée, son engagement fut toujours aussi solide. Elle prit notamment part au mouvement pacifiste en participant aux campagnes contre la guerre au Vietnam et pour la libération d’Angela Davis.
Elle publia ses mémoires en 1992 et 1994 (Madeleine Jacquemotte -Thonnart, Ma vie de militante. 1907 -1945, t. 1, Bruxelles, Université des femmes, 1992 ; Ibidem, 1945 à nos jours, t. 2, Bruxelles, Université des Femmes, 1994).
Son neveu, Willy Wolsztajn, a décidé de faire don au CArCoB des archives de sa tante. Il s’agit là d’un riche fonds d’archives retraçant au travers de l’engagement de Madeleine Jacquemotte, militante et actrice de cette époque, des événements et des luttes ayant émaillé un 20e siècle pas si lointain. Le chercheur pourra notamment trouver au sein de ce fonds une importante correspondance, des écrits personnels portant sur les nombreuses luttes auxquelles Madeleine participa (mouvement pour la paix, Vietnam, Cambodge, Nicaragua, libération d’Angela Davis, …), mais aussi des archives quant à son implication dans la Résistance, le Comité Mondial des femmes, le Rassemblement des Femmes pour la Paix, le CVIA, sur son action syndicale et son activité en tant qu’enseignante (pacte scolaire, enseignement rénové,…).